Depuis une dizaine d'années, un groupe d'animateurs et d'écrivains tente de réévaluer le système de transcription Feller: celui-ci ayant été fait par des dialectologues et pour des dialectologues, avant que la linguistique et ses outils s'établissent comme science moderne, obéissant à une vision fragmentée du wallon, visant davantage la protection d'un patrimoine littéraire patoisant ou l'étude dialectologique que la promotion d'une langue moderne, est-elle bien adaptée à une vision plus unitaire et plus moderne de notre langue? Diverses propositions de rénovation ont été lancées qui tournent toutes autour d'une même idée centrale: l'orthographe n'est pas faite pour reproduire à l'écrit toutes les variations --par définition innombrable-- de la langue parlée, mais bien pour donner une image plus fixe et plus unitaire de la langue wallonne. Ces tentatives de rénovation de l'orthographe sont donc aussi indissociables d'un projet concernant le statut de la langue: promouvoir une orthographe non phonétique, c'est aussi défendre une certaine idée du wallon comme langue une, au-delà des différences de surface, et comme langue porteuse d'un projet d'avenir.
Ces projets --quelle que soit leur qualité technique intrinsèque -- ont jusqu'à présent suscité quelques polémiques mais aussi un intérêt certain chez des personnes généralement plus jeunes, souvent des néolocuteurs.
Il faut insister sur le fait que si la rénovation de l'orthographe est l'élément le plus visible et la plus discuté du rfondou walon, elle n'est que le dessus de l'iceberg d'un projet renaissantiste bien plus profond.
La plupart des innovations proposées visent à employer une seule
graphie pour plusieurs prononciations, soit en privilégiant une
notation phonologique alors que l'orthographe Feller est normalement
phonétique, soit en utilisant des graphies représentant les
principales variantes dialectales, que celles-ci relèvent de
réalisations phonétiques, de différents sous-systèmes phonologiques ou
d'évolutions historiques divergentes (voir p. ).
Les dialectes est-wallons se distinguent des autres par l'existence dans leur système phonologique du son /h/. Ce h correspondant à quatre évolutions différentes dans les autres dialectes, il peut être noté de quatre manières différentes.
a) Le h primaire est toujours noté (comme ici). Voir
p. . Ex.:
b) le h secondaire équivalent à ch dans le CW, le SW
et l'OW est noté xh. Voir p. .
Cette notation est reprise de l'écriture du wallon ancien. Elle
apparaît au 13e s. et reste extrêmement courante jusqu'au 18e s. Des
exemples sont visibles dans les textes de la fin du 15e s. et du
début du 17e s. présentés plus haut (voir p.
et p.
).
Il faut noter que dans les écritures anciennes, le xh était aussi utilisé, en concurrence avec sc et d'autres graphies, pour le troisième type de h (voir ci-dessous). Ex. lit.:
L'écriture moderne avec xh ne fait bien souvent que réutiliser les formes utilisées jusqu'au 18e s.
La graphie xh est encore présente actuellement dans de très nombreux toponymes, surtout à l'est de la Wallonie: Outrelouxhe, Cerexhe, rue des Trixhes, Xhoute-s'i-plout, etc.
La graphie xh est également présente dans quelques noms de personnes: Xhoneux, Xhendelesse, Xhignesse, etc.
Quelques exemples de mots écrits avec xh dans l'orthographe diasystémique (entre parenthèses, les équivalents en orthographe Feller):
c) Le h secondaire équivalent à j dans le CW, le SW
et l'OW est noté jh. Voir p. . Il s'agit
d'un digraphe nouveau. Ex.:
d) le h secondaire équivalent à ch dans le CW et le
SW et à sk dans l'OW est noté sch. Voir
p. . Il s'agit d'un digraphe utilisé
occasionnellement dans les écritures anciennes, quoiqu'on trouve
plus souvent xh (voir exemples ci dessus). Les mots dans
lequel ce trigraphe est utilisé sont relativement rares. Ex.:
Les descendants du suffixe -ellus (-ia en CW et OW et
-ê en EW et SW) sont notés -ea, comme dans certains
systèmes d'écriture anciens. Voir p. .
Ex. anciens:
La graphie ea est encore présente dans quelques noms de personnes wallons, p. ex.:
Quelques exemples de mots écrits avec ea dans l'orthographe diasystémique:
La variable a ∼ è est notée ae.
Voir p. . Ex.:
La variable wa ∼ wè ∼ ô est écrite oi. Ex.:
La notation oi était courante au 19e s. Vierset écrit encore
en 1936, dans ses Poésies wallonnes: toirtchî,
coirnaye (torcher, corneille). Voir p. .
La variable eû ∼ wè est notée oe (comme dans nombre de textes anciens):
Ici aussi, cette notation était courante au 19e s. Voir
p. .
Le diasystème oe couvre aussi une prononciation locale oû dans le cas du suffixe -oe:
La variable -èy(e) ∼ -îy(e) est notée -eye.
Voir p. .:
Dans d'autres cas, les innovations proposées visent à réduire le nombre de signes diacritiques utilisés dans l'orthographe wallonne.
a) La plupart des utilisateurs de l'orthographe rénovée notent peu
d'accents sur le e à l'intérieur de mots, celui-ci étant
presque toujours prononcé è
[ɛ̃]. Voir
p. . Ex.:
b) La graphie ê est souvent remplacée par ai, comme
dans certaines variantes de l'orthographe Feller. Voir
p. . Ex.:
c) De même, les accents circonflexes sont souvent évités là où leur rendement phonologique est faible, voire nul, notamment dans les syllabes fermées terminées par y et w. Ex.:
d) les accents circonflexes sont aussi non notés pour les voyelles autres que o devant une consonne sonore (b, d, dj, g, j, jh, v, z) ou un r:
e) Enfin, les accents circonflexes sont évités sur les voyelles qui peuvent être longues ou brèves selon les dialectes:
a) Dans l'orthographe rénovée, le
q n'est plus du tout utilisé, comme c'est d'ailleurs le cas
dans certaines variantes de l'orthographe Feller: ki (que),
cwand (quand). Voir p. .
b) Comme dans ce livre, å est utilisé pour rendre compte des
variantes å
[ɔː], au
[oː] et
â
[aː]: tåve (table), cåve (cave).
Voir p. .
c) Comme dans ce livre, én est utilisé pour
rendre compte des variantes én
[ẽ], é
[e] (le même que le précédent, mais dénasalisé), in
[ɛ̃] et î-n
[ı̃]: bén (bien),
rén (rien). Voir p. .
Pablo Saratxaga 2012-05-20