Grammaire wallonne en ligne
Li waibe del croejhete walone

Sous-sections

Quelques évolutions phonétiques divergentes

Voici un bref inventaire de certaines divergences dialectales du wallon.


Correspondants du français «-i(ll)e»

Typiquement, un yod [j] final est sensible dans la majeure partie du domaine wallon (sauf SW; voir aussi p. [*]). En OW et CW, la finale est -îye. En SW, elle est -îe. Les formes en -èye, propres à l'EW, mais présentes parfois ailleurs (p. ex. fèye (fille), ostèye (outil, [il] outille) en CW) sont privilégiées comme formes types dans la mesure où elles distinguent le wallon de ses voisins.

Exemples: industrèye (industrie), awèye (aiguille), i tchèrèye (il charrie).

Autres formes: industrî(y)e, awî(y)e, i tchèrî(y)e. A l'est de l'EW: maladîhe, vîhe, etc.

Voir cartes p. [*] et ALW I, 1 «aiguille», 98 «vie», II, 90 («il charrie»).


Correspondants du français «-ée»

Ici aussi, typiquement, un yod [j] final est sensible dans la majeure partie du domaine wallon (sauf SW; voir aussi p. [*]). Dans la plupart des cas, la voyelle qui précède est un é long [eː] ou un ê long [ɛː]. Des variantes avec è [ɛ] bref existent aussi. Les formes types choisies sont notées -êye, graphie qui autorise les prononciations fermées ou ouvertes, au choix.

Exemples: annêye (année), tchantêye (chantée), blamêye (flambée).

Autres formes: anné(y)e, tchanté(y)e, blamé(y)e.

Voir ALW I, 2 «année».


Correspondants du français «o + r»

L'évolution typique du wallon, présente dans tout le domaine, quoique avec une intensité moindre (selon les mots) en OW et une partie du SW est une diphtongaison d'ailleurs connue dans de nombreuses autres langues romanes. Il existe deux types de diphtongaison, l'une basée sur la voyelle a et l'autre sur è.

Les formes types choisies ici sont celles en wa, présente en CW, SW, l'est de l'EW et l'OW (quand il y a diphtongaison dans cette région).

Exemples: bwârd (bord), fwate (forte), pwarter (porter).

Autres formes diphtonguées: bwérd, bwèrd, bwêrd; fwète; pwèrter.

Autres formes, non diphtonguées: bôrd, boûrd; fôrt, foûrt; pôrter, poûrter.

Voir: Limes, 73; ALW I, 5 «borgne», 77 «porter»; carte p. [*].


Correspondants du français «o + s»

L'évolution de ce groupe est exactement parallèle à celle de or (ci-dessus), quoique assez souvent sur une aire plus réduite. Les formes privilégiées sont les mêmes.

Exemples: ripwazer (reposer), wazu (oser), cwasse (côte).

Autres formes diphtonguées: ripwèzer, wèzeûr, cwèsse.

Autres formes, non diphtonguées: rpôzer, ôzu.

Voir Limes 73; ALW I, 67 «oser» + cwasse; carte p. [*].


Correspondants du français «-eau» (latin «-ellus»)

Le latin -ellus a évolué en deux formes qui se partagent le domaine wallon en deux aires à peu près égales: ou en EW et SW; -ia en CW et OW. Ayant renoncé ici à utiliser la graphie ancienne -ea (pourtant déjà présentée comme «pratique» dans Germain1989) pour m'en tenir à l'orthographe Feller phonétique, j'ai utilisé des formes types en -ia, qui débordent légèrement sur l'EW.

Exemples: batia (bateau), via (veau), tchèstia (château).

Autres formes: batê, vê, tchèstê.

Voir Limes 87; ALW I, 11 «chapeau», 43 «fléau», 78 «pourceau», IV, 2 «château»; carte p. [*].


Voyelle caduque

La voyelle caduque de loin la plus fréquente est [ɪ], notée i. Elle est systématiquement utilisée ici - sauf dans les rares cas où la voyelle caduque n'est jamais e, ou seulement dans de rares parlers.

Exemples: riprinde (reprendre), sicole (école), kimincî (commencer).

Voir Limes 74; ALW I, 54 «le», II, 12 «je», 13 «me», 39 «se», 47 «mon», 56 «ce», 57 «cette»; carte p. [*].


Groupe «cw»

L'évolution typique du wallon est la conservation des groupes cw. Toutefois, ces formes sont en recul: presque systématiquement conservées en EW, elles ne le sont que rarement en OW. Le CW avait encore cwand au siècle dernier mais utilise aujourd'hui cand. Les groupes cw sont conservés comme formes types.

Exemples: cwand (quand), sacwè (quelque chose), scwére (équerre), cwèri (chercher).

Autres formes: cand, sakè, skére, kére ou kèru, etc.

Voir ALW I, 36 «équerre».


Correspondants du français «oi» (1) (latin «e» long accentué libre)

Dans un premier groupe de mots, les formes non diphtonguées (eû, eu, û, è) couvrent la majeure partie du domaine: EW, sud du CW et de l'OW, nord du SW. Des formes diphtonguées (, wa) se partagent le reste du domaine. Les formes non diphtonguées, présentes dans tous les dialectes et propres au wallon, sont ici préférées comme formes types. Parmi celles-ci, les formes en , plus fréquentes (EW), sont utilisées.

Exemples: freûd (froid), i veût (il voit), seû (soif), teût (toit).

Autres formes non diphtonguées: freud, frûd, frèd; i veût, i vèt; seu, sû, sè; teut, tût, tèt.

Autres formes, diphtonguées: f(r)wèd, frwad; i (v)wèt, vwat; swè, swa; twèt, twat.

Voir Limes 73; ALW I, 45 «froid», 100 «il voit», IV, 6 «toit»; carte p. [*].


Correspondants du français «oi» (2)

Dans un deuxième groupe de mots, les formes non diphtonguées sont limitées à l'EW. Ici aussi, elles sont choisies comme formes représentant une évolution typique du wallon.

Exemples: steûle (étoile), mureû (miroir), meûs (mois).

Autres formes, diphtonguées: stwèle, stwale, stwèye, stwaye; murwè, mirwa; mwès, mwas.

Voir ALW I, 38 «étoile», 61 «miroir», 75 «poire», III, 35 «mois»; carte p. [*].


Labiale + w

Il existe en CW, OW et une partie de SW un tendance à insérer un w après les consonnes labiales. Les formes types utilisées ici suivent cette tendance typique du wallon par rapport à ses voisins romans.

Exemples: fwin (faim), samwinne (semaine), dimwin (demain), jamwês, i fwêt (il fait).

Autres formes: fin, saminne, dimin.

Voir ALW I, 39 «faim», 68 «pain», 69 «peine» (+ dénasalisation), 90 «semaine», 97 («veine»), III, 50 («demain»); carte p. [*].


Correspondants du français «-age» (latin «-aticum»)

Le suffixe -aticum a évolué en -èdje (EW, partie de SW), -adje (CW, partie de SW) ou -âdje (OW). La forme type utilisée ici est -èdje (en parallèle avec l'évolution a > è, voir ci-dessous).

Exemples: passèdje (passage), ramèdje

ALW I, 99 «village»


Équivalents du français «a»

Il existe une alternance [ɛ] [a]. La fréquence des [ɛ] est la plus élevée en SW, suivi de EW, CW et OW, dans cet ordre: tchapia en OW et CW, tchapê en EW mais tchèpê en SW (chapeau); tchat en OW et tchèt ailleurs (chat); bras en OW et brès ou brès' ailleurs (bras); tchèpèle en SW et tchapèle ailleurs (chapelle), etc.

Les formes types choisies ici utilisent un è, connu partout (quoique dans une mesure moindre en OW) et caractéristique du wallon.

Voir ALW I, 10 «chanvre», 13 «charpentier», 14 «chasseur», 47 «glace», 49 «hache», 81 «regain», 88 «sac», IV, 2 «château», etc.


Équivalents du français «ou»

Dans de nombreux mots, l'OW et une partie de SW ont un ou là où l'EW, le CW (généralement) et le reste de SW ont un o. Les formes de référence sont celles qui ont un o, plus courantes et caractéristiques du wallon.

Exemples: soris (souris), po (pour), tot (tout).

Autres formes: souris, pou, tout.

Voir cartes p. [*]; ALW I, 6 («bouteille»), 23 («couture»), 46 («genou»), 64 («mouche»), II, 20 et 22 («nous»), 23 («vous»), 74 («pour»), 88 («montre»), etc.


Équivalents du français «u»

Il existe une alternance ou u. L'EW, le bast. et le fam. ont souvent ou [u] (mètou, mis, touwer, tuer, noûlêye ou nûlêye, nuage, cou, cul, couhène, cuisine) là où l'OW et le reste du SW ont le plus souvent u [ʏ]: mètu, tuwer, nûléye, cu, cûjène ou cûjine; le nam. et le hesb. présentent un mélange des deux formes: mètu, cu, nûléye mais touwer, coûjène, etc.

Les formes de référence choisies sont les formes avec ou, cette évolution étant la plus répandue et la plus caractéristique du wallon.


Équivalents du français «con-»

Ce préfixe, très fréquent en wallon, se présente sous deux formes: avec voyelle instable (EW, SW, majeure partie du CW) ou sans voyelle instable (OW, ouest du CW). Dans le premier cas, la voyelle instable est i (EW, est du CW), u (SW, malm., verv.) ou plus rarement o (nam.): k(i)mincî c(u)mècer c(o)mincî (commencer); dans le second cas, ce préfixe se présente sous les formes co- (avec un o non élidable, ouest du CW) ou cou- (OW): comincî couminchî.

Le préfixe élidable couvre la majeure partie du domaine linguistique wallon. La voyelle instable de référence est i dans tous les cas; le préfixe type est donc ki-.

Exemples: k(i)taper (malmener, etc.), k(i)fèsse (confesse), k(i)mint (comment), k(i)ployî (plier en tous sens), etc.

Remarques générales

a) De nombreuses autres alternances moins marquantes ou plus locales ne sont pas évoquées ici: p. ex. -ène -ine comme dans farène farine (OW) (farine); û (SW) comme dans noû (neuf), etc.

b) Aucun choix de formes types n'est fait quand les formes divergent de manière peu ou pas systématique ou plus que superficiellement: pan pwin (pain); magnî mougnî (manger; considérés comme synonymes de mindjî); vonne vwinne (veine), etc.

Pablo Saratxaga 2012-05-20