Grammaire wallonne en ligne
Li waibe del croejhete walone
Sous-sections
Ce dialecte est le plus typé, du point de vue diachronique (il
est --en général-- le plus conservateur) et du point de vue
sociolinguistique (mais ce point reste à étudier). Il est aussi le
mieux typé d'un point de vue dialectologique et synchronique,
c.-à-d. qu'il existe effectivement des variantes qui lui sont
propres, le définissant tout entier et l'opposant aux autres
dialectes. Voici quelques-uns des principaux traits caractéristiques
de ce dialecte (v. carte p.
).
- Existence du phonème /h/, réalisé
[h], [ç] ou
[χ] selon les contextes et les régions.
Il peut avoir deux origines:
- germanique: ex. hoye (houille), haye (haie),
etc. (qui correspond à zéro ou un hiatus ailleurs).
- «h secondaire» résultant de groupes tels que c
intervocalique devant e et i, sc +
voyelle, (s)sy, ty, x intervocalique, etc. qui ont évolué
en ch ou j dans le reste de la Wallonie:
plêhant ( ∼ plêjant, plaisant),
home ( ∼ chome, chume, écume),
cråhe ( ∼ cråche, graisse), måhon
( ∼ måjon, maison), poûhî ( ∼ poûjî, puiser), etc.
- Maintien du
[uː] long latin, p. ex. dans le morphème
du participe passé masc.: pièrdou (perdu), mètou
(mis), etc. Les autres dialectes wallons ont un [y]:
pièrdu, mètu.
À noter: ce trait a disparu du CW relativement récemment et reste
présent en bast. (SW).
- Le suffixe latin -aticu > -èdje: passèdje (passage),
viyèdje (village), etc. Ce trait existe aussi en bast.
(SW). Les autres dialectes wallons ont -adje (SW, CW) ou
-âdje (OW).
- Les groupes os et or > wè, wê, wé
(selon les régions et/ou les environnements): fwért
∼ fwêrt ∼
fwèrt (fort), fwète (forte). Une partie de EW
(malm.) a wa (fwart ou fwârt et
fwate), comme le CW et une partie de SW (v. carte
p.
).
- Subsistance du passé simple. Le passé simple existe à l'état de
traces en SW voire en CW, d'où il a disparu récemment.
Quelques mots courants sont propres à l'EW: norèt (mouchoir),
måssî (sale), solo (soleil), etc.
Ce dialecte est surtout caractérisé par:
- une fragmentation dialectale plus grande qu'en EW et CW;
- des traits qui, pris individuellement, sont partagés avec
d'autres dialectes mais ne se rencontrent tous que dans cette
région.
- os et or donnent une diphtongue wa,
comme en CW, ou sont conservés, comme en OW (v. carte
p.
).
- voyelle d'appui [ʏ] (aussi dans EW et sporadiquement
ailleurs). Ce trait était beaucoup plus répandu anciennement (au
moins jusqu'à Liège). L'expansion de [ɪ] comme voyelle
d'appui est récente (v. carte p.
).
- existence d'un article défini féminin la dans une
partie du SW (v. carte p.
).
- la forme dju est utilisée pour la 1e pers., que ce soit
au singulier ou au pluriel: dju mindje, dju mindjans (v.
carte p.
).
- 3e personne du pluriel en -ant ou -at dans une
partie du domaine (v. carte p.
).
Quelques mots typiques: (y)åk (quelque chose), èrsè,
èrso... (hier), niche (sale), c(u)châde,
k(i)chaude... (ortie), skiron (écureuil), etc.
Ce dialecte est surtout caractérisé par:
- une fragmentation dialectale plus grande qu'en EW et CW;
- des traits qui, pris individuellement, sont partagés avec
d'autres dialectes mais ne se rencontrent tous que dans cette
région;
- L'équivalent du français ou est généralement un
ou (o ailleurs), comme dans une partie du SW (v.
carte p.
).
- La voyelle d'appui est souvent prosthétique à l'ouest du domaine
(p.
).
- os et or sont le plus souvent conservés (v.
carte p.
).
- ou pour o.
- L'article défini est èl (v. carte
p.
).
Ce dialecte est probablement le plus difficile à caractériser:
il est central et en contact géographique avec tous les autres; il
est dès lors difficile de trouver un trait qui lui soit réellement
propre. Ainsi, les caractéristiques citées dans Limes I (1992) sont
partagées avec le SW et l'OW, voire plus fréquentes dans ces deux
derniers dialectes:
- insertion d'un w entre une consonne labiale et les
voyelles è et in, comme dans mwin (main),
pwin (pain), pwinne (peine). Le SW et l'OW
connaissent ce trait dans des cas où le CW ne le connaît pas:
fwêt (fait), jamwês (jamais) (v. carte
p.
);
- le chute du pronom vos est caractéristique également de
l'OW et du SW (v. carte p.
): vlèz 'ne
jate di cafè?
Du point de vue phonétique, le CW partage ses caractéristiques avec
ses voisins:
- tantôt avec l'OW. P. ex. -îye dans des mots comme
vîye, industrîye, etc., alors que l'EW a -èye (v.
carte p.
);
- tantôt avec l'EW. P. ex. le maintien du o dans des mots
comme tot, botèye, vos, gngno, etc. (v. carte
p.
);
- tantôt avec le SW, p. ex. l'évolution de os et
or en wa dans des mots comme fwârt, twade,
ripwazer, etc. (v. carte p.
).
Dans d'autres cas, les variantes connues dans les dialectes contigus
se partagent le CW:
- préfixe k(i)- à l'est (comme en EW) jusqu'à la Meuse:
kimincî, kitaper;
- 3e pers. plur. en -èt à l'est (comme en EW) jusqu'à la
Meuse: i vikèt, i tchantèt;
- 3e pers. plur. en -nut à l'ouest (comme en OW):
i viknut, i tchantnut.
Traits particuliers en morphologie:
- morphème c(o)- (EW: k(i)- ou c(u)-;
SW: généralement c(u)-; OW: généralement cou-):
c(o)mincî, c(o)fèsse;
- terminaison -eûve (< -ebam) à l'imparfait et
au cond. en nam.: i vikeûve, dji tchantreûve.
Du point de vue lexical, des mots «typiques» d'autres régions
cohabitent assez fréquemment, p. ex., toumer et
tchêr (tomber; Hostin1975), mougnî et
mindjî (manger), måy et jamês (jamais),
quéke fîye èt mutwè (Hostin1975) , etc. Il
est difficile de trouver un type lexical qui soit vraiment propre au
CW: mannèt (sale; partagé avec la majeure partie de l'OW),
canada (pomme de terre; idem).
Pablo Saratxaga
2012-05-20